Aujourd’hui, visite de la « plaza mayor » (la vue de Lima en carte postale), un couvent de franciscains (riches !) avec des catacombes un peu mises en scène : une tombe avec que des tibias, une tombe avec que des crânes, un grand puits avec les ossements disposés en rond, etc. Le reste du couvent est magnifique, notamment les stalles du chœur et un ensemble de statues dans ce qui doit être la plus belle sacristie que j’ai jamais vue.
La peinture baroque catholico-péruvienne a une grâce et un style bien personnels ; il y a beaucoup de bois sombre et d’or. Au sommet d’un des immenses retables d’une chapelle latérale, deux femmes ajustent la robe d’une statue réaliste de la Vierge, en cire, copiée sur une jeune fille du pays ; on dirait que le péruviennes vivent naturellement au sommet des retables…
Retour sur la grand’place, visite d’une chapelle latérale de
Direction « Astrid y Gaston » pour une ceviche et un cochon d’inde grillé. Et un dessert à base de lucuma, un fruit local qui déplaît aux touristes. Le cochon d’inde est « bio », précise le menu.
Le « museo de la nacion », ensuite, offre des collections fabuleuses sur toutes les cultures précolombiennes du pays, les Incas, et toutes celles dont on n’entend jamais parler en France. C’est absolument unique, fascinant, superbe, d’une extrême variété… Il y a des cruches, des poteries, des taureaux miniatures (qu’on remplissait de chicha et qu’on enfousissait dans la terre pour garantir une bonne moisson), des ponchos, des bijoux. J’ai un guide pour moi tout seul, qui cause anglais. Il a une fibre sociale, utilise des expressions telles que « mythologie catholique » et me demande tout de go si je suis catholique ou protestant.
Au sixième étage, une exposition sur la guérilla menée par le Sentier Lumineux et les Tupac Amaru ; surtout des photos d’époque. En France, obsédés que nous étions par le régime de Pinochet (de 3 à 5000 disparus), nous n’avions rien à cirer de la dictature argentine (30 000 morts et pas l’ombre d’un coco en vue, ou presque) et nous ignorions strictement ce qui se passait au Pérou où, là, les marxistes existaient réellement, s’étaient constitués en guérilla et, guidés par un idéologue léniniste qui déclarait qu’il faudrait un million de morts pour que la révolution triomphe, faisaient régner la terreur dans le pays. 60 000 morts dont on ne parle jamais, dans les attentats, les camps de rééducation du Sentier Lumineux, les milices d’autodéfense, l’armée et la police.
L’exposition présente sobrement des photos d’époque, qui font pour la plupart froid dans le dos. Victimes d’attentats, immeubles explosés (une photo verticale, de la hauteur de la pièce), exhumations, paysans andins dans un camp de redressement, scènes de morgues, rebellion dans des prisons (l’une d’elles fut matée par un bombardement de l’armée), enterrements en tous genres, arrestations, conférences de presse dans le maquis, un journaliste otage en train de photographier l’exécution de ses camarades avant que son tour n’arrive : la folie des idéologues est ramenée à ses effets les plus directs : une longue litanie de misères.
Comme me disent les collègues ici : maintenant, c’est plus calme. Avant, la nuit, on entendait un grand boum, les vitres tremblaient, puis on se rendormait. « C’est juste une voiture piégée ».
Vraiment, le coup du cochon d'inde, je dis "beurk". Mais je dois être trop occidentale...
Posted by: Zabou | February 15, 2010 at 12:46 PM
C'est moins dégoûtant que le Sentier Lumineux, le cochon d'inde, quand même... Et les péruviens sont un peu occidentaux quand même, hein... Il faut venir au Pérou rien que pour voir cette sublime sacristie franciscaine. Vingt ou trente statues dorées au-dessus des chapiers... on voit pas ça partout.
Posted by: nelly | February 17, 2010 at 04:58 PM