Ci-dessus : "the nazis", par Uklanski, Tate Modern, exposition "pop life". Ca plaira bien à un lecteur ou deux...
Ci-dessus : Maurizio Cattelan, ou la provoc' institutionnalisée. Belle bête, toutefois. (Le péquin dans le fond ne fait pas partie de l'oeuvre)
Samedi, une journée comme les autres à Londres.
Lever à 10 heures ;-)
Direction "the London Eye" où, grâce à un "fast track ticket" exorbitant, je peux monter dans la roue devant tout le monde, c'est à dire vers 11 h 30. C'est beau, ça dure ce qu'il faut, mais, pour la plus grande roue du monde, ce n'est pas très haut (comparé aux vues par avion, dont j'ai été un habitué pendant deux ans). Enfin, bon, c'est toujours moins cher que le Jungfraujoch où on ne voit strictement rien.
Un peu de temps récupéré, donc, pour aller voir l'exposition Ed Ruscha à la Hayward Gallery. Très bien fichu. Je ne connaissais pas, mais mon instinct m'a toujours dit qu'on ne pouvait pas se tromper en allant voir à l'aventure n'importe quoi qui se passe au South Bank. C'est ma boboïtude londonienne à moi.
12h30 : déjeuner chez Nobu (Park Lane, il y en a deux à Londres maintenant). Une tuerie, comme d'habitude et EUX, au moins, ils ont des sushi d'ormeau. La bestiole m'avait échappée à Jersey, ce coup-ci c’est fait, je suis le premier Achlaw à manger de l’ormeau.
Vers 15 heures, direction Hampstead Heath pour une promenade digestive. Mais il se met à pleuvoir dès que je sors du métro ; la perspective de finir la journée égaré et mouillé me fait battre en retraite et je saute dans un bus. Egaré ? Oui, car Hampstead Heath est une lande ensorcelée où je rentre toujours par la même porte et muni d’un plan, sachant que, même avec la meilleure volonté du monde, le chemin diverge des chemins précédents. Une fois la dernière pente dévalée, il faut ouvrir le plan, repérer la gare la plus proche, et tenter de rentrer (bon courage pour faire cela vitement lorsque vous échouez à Gospel Oak).
Egarement dans le bus encore, j’en prends un dans l’autre sens, me retrouve à Finchley. Vite, le métro. Plan B : la British Library, qui a le bon goût d’être ouverte même le dimanche – pas comme certaine bibliothèque parisienne qui se trouva fermée un 11 novembre alors que j’avais envie d’y voir une expo Ionesco. Hélas, les collections philatéliques sont fermées, et je me contente d’aller voir quelques trésors exposés dans une salle voisine : l’unique manuscrit de Beowulf, des autographes de Milton, de l’une des Brontë, de Haendel, Haydn, Wilde, Sylvia Plath, des antiphonaires et des tropaires de toutes tailles et… l’une des quatre copies de la Magna Carta. Comme lot de consolation, c’est pas mal.
Direction Brick Lane et le magasin Rough Trade où je trouve un Penguin Café Orchestra, le troisième Throbbing Gristle (celui qui commence par une cassette de données lue sur un magnétophone, le titre s’appelle « IBM ») et « Opus Dei » de Laibach, qui n’est pas un disque de chansons pieuses. Brick Lane, dans sa première partie, est un vivarium de restaurants indiens ; puis devient un temple bobo-arty dans sa deuxième partie ; mais les guides touristiques n’ont pas encore tous trouvé l’endroit.
Errance pour dîner, à Spitalfields (rien ne me plaît) puis vers Leicester Square (trop de monde). Il est 20 heures, j’oblique vers la Tate Modern, le ventre creux.
Expo « Pop life » sur quelques maîtres du pop art et assimilés. Il y a du très bon (Maurizio Cattelan et son « ave maria » !), du bon (un japonais kawai du nom de Murakami, ou quelque chose d’approchant), du culte (Cosey Fanni Tutti, voilà pour faire le lien avec les disques de tout à l’heure), du sans doute très bon (Jeff Koons, oui, j’assume), de l’éculé (Keith Haring ; bon OK, le mec a décoré un autel dans la cathédrale épiscopalienne de New York, on célèbre son office au commun des victimes du SIDA, mais est-ce qu’il ne serait pas temps de nous lâcher la grappe avec lui ?) et, hélas, du Warhol. A vouloir lui rendre justice, l’exposition ne manifeste que ce qui saute aux yeux : c’est terriblement daté, et pas très consistant. Roy Lichetenstein, à peine représenté, supporte bien mieux les outrages du temps.
Pour Koons, comme je disais, j’assume. Le gars a un génie bien à lui pour trouver et fabriquer des objets qui constituent son « style ». Ce n’est pas qu’un faiseur, même s’il pose ainsi. En fait, on dirait du Pierre et Gilles, le mauvais goût assumé et l’étiquette du prix en plus. J’ai appris aussi qu’il était marié à la Cicciolina, qu’il fait figurer dans quelques tableaux qui sont de beaux attentats à la pudeur et qu’on nous montre beaucoup moins à la télé que son fameux homard à Versailles.
Visite au pas de course du reste de la Tate Modern. Toutes les collections ont été chamboulées depuis ma dernière visite et je ne retrouve plus grand-chose de connu. La salle consacrée à Rothko a disparu, squattée par des actionnistes viennois. Il y a du bon comme du moins bon, un peu de Cattelan encore, du Ruscha que je connais donc depuis ce matin, plein d’autres que j’ai déjà oublié et nombre d’artistes anonymes qui, faute d’inspiration, se filment à poil pour faire de l’Hââârt.
Retour à l’hôtel où le resto ne sert déjà plus. Bloody rosbifs ! C’est donc un room-service infâme, un épisode de Lost et au lit. P****n, que j’ai mal aux pieds !
Dimanche, grasse matinée et lever à midi. On va pas se faire du mal.
Retour au South Bank pour me procurer le catalogue de l’expo Ruscha et un superbe bouquin de superbes photos d’Ansel Adams. Déjeuner sur place, un bon « stew » de poulet postmoderne (avec citronnelle et raita) et un cake à la betterave.
Marche avec mes dix kilos de bouqins jusqu’à Trafalgar Square où je vais voir, à l’English National Opera, une version mise en scène du Messie de Haendel. C’est pas mal, il y a plein de jolies images sur une partition qui s’en passe bien, et des bons moments où le chœur et ensemble et où les solistes réussissent leurs vocalises (and he shall purify-y-y-y-y-y). Le « Hallelujah » est un grand moment anglais… mais à peine 5% de la salle se met debout ! Tout fout le camp et l’étranger que je suis saute sur ses pieds encore endoloris d’hier pour faire honneur à la tradition, dans un grand élan de spiritualité griciglianoïde, qui dit que « ce n’est pas parce que ça ne se fait plus qu’il ne faut plus le faire ». Ou était-ce Robert Dreyfus dans les publicités des tartes Marie ? Je ne sais plus trop.
A part ça, représentation honnête, donc. Deborah Warner, metteuse en scène, avait fait subir le même traitement à Bach quelques années plus tôt ; et Lawrence Cummings est un chef tout à fait bon. La nativité est représentée sous la forme d’un spectacle de fin d’année (avec des gamins qui font les moutons !) ; le texte original du ténor a été enrighi d’un « Pschittt ! » que n’avait pas prévu Haendel. Lors du « unto us a child is born », une parturiente se lève de son lit et « danse la vie », comme dit une bloggeuse que j’apprécie. Bref, pas vraiment besoin, mais pas mal non plus. Très design, unité des couleurs. De beaux instruments de la passion tout dorés.
Six heures ; une demi-heure d’errance parmi les foules crétines sur Oxford Street, puis retour à l’hôtel par le chemin des écoliers. Un gros steak pour se remonter le moral : demain, c’est boulot puis retour dans le Wiltshire…
Now playing : Arvo Pärt, « tabula rasa »