(ci-dessus : tu quoque, fili mi)
Mise à jour du 27 janvier 2009
Dans un nouveau communiqué, qui reprend les termes du précédent mais y ajoute des modifications capitales, Mgr Fellay prend enfin une position beaucoup plus tranchée sur les propos ineptes de son frère dans l'épiscopat, Mgr Williamson.
Ces propos comblent la plupart des béances sur lesquelles je m'indignais ci-dessous. Implicitement, Mgr Fellay indique que, si la matière sur laquelle ils ont été tenus ne relève pas du domaine de la Fraternité St Pie X, cette dernière ne peut pas s'en tenir au choix de ne rien dire devant une telle énormité.
Si Mgr Fellay pouvait avoir une telle démarche de remise en question sur d'autres sujets, peut-être y aurait-il un espoir de réconciliation effective avec Rome? Je dois dire que Mgr n'a pas sa langue dans sa poche et qu'il ne fait pas dans la demi-teinte. C'est très encourageant. Et pratiquement, il procède à une sanction qui aurait été plus délicate venant directement de Benoît XVI.
Avouons que, lorsque je qualifiais Mgr Williamson de "doux dingue" dès 2002, Nelly Blogue était déjà en avance sur son époque... même si Nelly Blogue n'a existé qu'en 2004. Et à part ça, les chevilles, ça va ;-)))
Morceaux choisis du nouveau communiqué :
(...) Il est évident qu’un évêque catholique ne peut parler avec une autorité
ecclésiastique que sur des questions concernant la foi et la morale. Notre
Fraternité ne revendique aucune autorité sur les autres questions. (...) C’est avec une grande
peine que nous constatons combien la transgression de ce mandat peut porter tort
à notre mission. Les affirmations de Mgr Williamson ne reflètent en aucun cas la
position de notre société. C’est pourquoi je lui ai interdit, jusqu’à nouvel
ordre, toute prise de position publique sur des questions politiques ou
historiques.
Nous demandons pardon au Souverain Pontife, et à tous les
hommes de bonne volonté, pour les conséquences dramatiques d’un tel acte. Bien
que nous reconnaissions l’inopportunité de ces propos, nous ne pouvons que
constater avec tristesse qu’il atteignent directement notre Fraternité dans le
but de discréditer sa mission.
(...)
Le reste du billet d'origine est donc maintenu ci-dessous par souci documentaire.
Aussitôt
annoncé la future levée d’excommunication des quatre évêques sacrés par Mgr
Lefebvre, voici que l’usine à conneries se met en route.
Une
recherche rapide sur le net a suffi à plusieurs journalistes pour déterrer une
interview de Mgr Williamson où ce dernier niait que la « solution
finale » eut jamais eu lieu. Il n’y aurait eu, dans les camps, de 200 à
300 mille victimes (« que » !), tout le reste est de
l’invention.
On criera
sans doute que c’est un scoop bien opportun pour salir la Fraternité St Pie X
alors que s’amorce peut-être un mouvement de réconciliation avec Rome. La FSSPX
va se réconcilier et paf ! coup du hasard, on ressort ça. J’invite à
regarder sous un autre angle : on s’intéresse à la FSSPX et paf !
coup du hasard, on déterre un négationniste sans trop l’avoir cherché.
L’exhibition de propos négationnistes serait destinée à nuire à la Fraternité
St Pie X. Ne faut-il pas plutôt croire que de tels propos sortent d’eux-mêmes
dès qu’on s’intéresse d’un peu près à la dite fraternité ? On ne me
réduira pas à penser qu’ils ont la même probabilité de surgir lorsqu’on
s’intéresse à un mouvement intégriste ou à une association philatélique (par
exemple), et qu’on n’en parle que dans le cas d’un mouvement intégriste, alors
qu’il y a autant de négationnistes dans mon club de timbres que chez les
enfants d’Econe.
Antonin Artaud, dans un opus célèbre,
disait, (et Roger Blin en a enregistré une version fameuse pour la radio,
censurée avant la diffusion) : « lorsque ça sent la merde, ça sent
l’Etre ». Je crois bien que, lorsque ça sent la Fraternité St Pie X, ça
sent un tout petit peu le négationnisme… pas tout le temps, mais c’est un bruit
de fond dont on ne vient pas à bout.
Mgr Fellay
attaque en soulignant que les propos d’un évêque, lorsqu’ils ne traitent pas de
religion, sont personnels et n’engagent que soi. Il fait ensuite toute une
montagne sur le fait que Mgr Williamson aurait été piégé par les médias :
invité pour parler de religion, il s’est vu consulté sur un point historique.
Mgr Fellay prend beaucoup de temps à souligner que cela ne se fait pas et que
c’est malhonnête.
Polydamas
en conclut : la FSSPX se désolidarise. Je voudrais bien être aussi
optimiste. Observons cela de plus près.
Etant
donné notre lectorat, je ne crois pas inutile de rappeler que l’extermination
des juifs (et des tziganes, et de quelques autres classes de population)
d’Europe est un fait historique et que les victimes se chiffrent par millions,
pas à 200 ou 300 000. De même il n’y a pas l’ombre d’un doute sur les
modes d’exécution de masse, et notamment sur les chambres à gaz et les
fours : tout cela a existé.
Personne ne peut l’ignorer; les preuves, plus nombreuses
et consistantes que celles de la résurrection de Jésus, existent, et sont
présentées dans de nombreux ouvrages, y compris de vulgarisation. On a les
témoignages des internés dans les camps, des gardiens, des libérateurs, les
plans des chambres, le compte des disparus, que sais-je encore ?
Pour refuser cela, il faut être crétin, fou ou
malveillant. Attitudes minoritaires. Le gros des négationnistes et des
révisionnistes est constitué de personnes qui ne veulent pas voir ni savoir,
car elles sont motivées par un but politique précis, que la non-existence de la
« solution finale » arrange.
J’en veux pour preuve que les sympathisants de ces idées
avec lesquels j’ai pu parlés ne sont jamais crétins ni fous ni malveillants.
Ils n’ont jamais non plus, alors qu’ils ont souvent une bibliothèque, lu avec
attention les ouvrages des papes du négationnisme ; l’adhésion à ces idées
tient plus de la foi que de la raison. Et, à mes arguments, je n’ai jamais reçu
en réponse la citation d’un Faurisson, mais des phrases telles que « la
Shoah ! la Shoah ! On n’entend parler de cela toutes les cinq
secondes ! Ces Juifs trustent les cerveaux du pays entier avec cela !
On ne peut rien dire à leur sujet sans aller en prison ! On ne peut pas se
lever le matin sans génuflecter devant l’autel de la mémoire de la Shoah !
Qu’ils nous lachent la grappe ! ». On est bien dans la foi et
l’émotion.
Y a-t-il quelque chose qu’un catholique doit préférer à la
vérité ? Jésus étant la vérité personnifié, je ne le pense pas. Devant un
mensonge tel que le négationnisme, motivé à l’origine par l’antisémitisme ou la
volonté de réhabilitation du 3ème Reich de leurs auteurs, il n’y a
pas plusieurs manières de se comporter. On ne pactise pas avec le
mensonge ; et il n’y a aucun inconvénient politique, diplomatique, ou
relevant de la charité, à composer avec cela. Le négationnisme est un mensonge
que l’on peut et doit se permettre de rejeter absolument. Ce n’est pas une
question d’opinion sur un point complexe comme le fait de savoir si
l’abaissement du SMIC profitera à l’emploi : on peut être pour ou contre
cette dernière problématique. Mais le négationnisme ! C’est une
proposition aussi fausse que « le soleil est bleu » qui a été
énoncée.
Ainsi, Mgr Fellay me la baille belle avec ses propos.
« Désolidarisation », dit Polydamas. En quoi Mgr Williamson est-il
solidaire de Mgr Fellay ? Car ils sont tous deux évêques sacrés validement
par Mgr Lefebvre, à des fins de gouvernement de la FSSPX. Evêques catholiques,
donc serviteurs de la vérité, pasteurs d’une partie de l’Eglise, soumis tous
deux à un devoir d’exemplarité : ouvrez St Paul au hasard et lisez ce
qu’il préconise pour les chefs de la communauté.
Mgr Williamson profère publiquement un énorme mensonge,
indigne de tout homme honnête. Que trouve à redire son frère dans
l’épiscopat ? « Gna gna gna, messieurs les médias, vous n’avez aucune
déontologie ! » Eh quoi ! Avoir les idées claires sur la
« solution finale » aurait été une parade bien plus efficace contre
le manque de déontologie de quelques journalistes suédois ! Et refuser de
répondre à une question hors sujet, cela ne fait pas partie non plus des
défenses de Mgr Williamson ? Il fallait vraiment que ça sorte, ces
200 000 morts !
Mgr Fellay ne se désolidarise pas. Il aurait fallu pour
cela réfuter ou condamner les propos scandaleux. Il se contente de dire qu’ils
n’engagent pas la Fraternité. C’est exact ; mais ils engagent deux de ses
chefs, et ils concernent nénamoins al fraternité toute entière.
Un évêque catholique, serviteur de la vérité, adepte de la
correction fraternelle, ne trouve pas une seule fois le moyen, dans un document
écrit, donc réfléchi, préparé, mesuré, de simplement DIRE que ces propos,
réputés personnels, sont un énorme mensonge ! Non non, c’est de la sphère
personnelle. Et depuis quand, personnel ou pas, le mensonge en public n’appelle
plus les pasteurs catholiques à réagir ? Fait-on un film sur Jésus
laissant entendre qu’il n’était pas Dieu ? Sur ce point où les deux
croyances sont possibles, on brandit bien vite la crosse, la bulle, les peines
de l’enfer. Mais qu’on puisse dire que 5 ou 6 millions de morts se sont envolés
dans la nature, qu’ils n’ont pas vraiment existé, qu’on les a inventés, que
ceux qui les ont vu ont halluciné, que ceux qui les ont tués affabulent ; et
que votre confrère, qui pense comme vous que Dieu est la vérité, ne réagisse
pas autrement que de dire « ah, moi, vous savez, ça ne me regarde
pas », voilà qui est fort.
Je ne parlerai donc pas, pour ma part, de désolidarisation
alors qu’on assiste manifestement à un refus de prendre position tout en
sauvant les meubles. Est-ce ça, rendre témoignage à la vérité ? La
Fraternité d’abord ! Sauve qui peut ! Pas de questions !
En tenant de tels propos, Mgr Williamson anéantit le peu
de crédibilité qu’il lui restait. En montant en épingle la taupinière de la déontologie
médiatique sans parler de la montagne du négationnisme qui se trouve à côté, Mgr
Fellay entame gravement sa crédibilité à lui.
Et c’est sur toute la Fraternité que retombera, une fois
encore, la pusillanimité, voire la mauvaise foi de pasteurs qui ne sont
décidément pas au niveau de la charge qui leur a été conférée. Car enfin, que
penser d’une société religieuse dont la hiérarchie est aussi peu
crédible ? Confieriez-vous votre destinée éternelle à un homme qui fait
profession de servir la vérité et qui, après sept ou huit ans d’études, et des
décennies de pastorat, fait preuve de complaisance avec le mensonge le plus
effronté ? Donneriez-vous vos enfants aux écoles d’une fraternité si peu
recommandable que son plus haut chef affecte de ne même pas voir ce qui crève
les yeux ? Vous confesseriez-vous, ouvririez-vous votre âme, à un prêtre d’une
organisation dont la hiérarchie montre qu’elle préfère sauver la réputation que
les âmes ?
Effectivement, les propos scandaleux de Mgr Williamson ne
sont pas réputés tenus par la Fraternité ; mais ils sont tenus par un de
se chefs, qui a un devoir d’exemplarité vis-à-vis de ses fidèles, et de
fidélité à la vérité, vis-à-vis de Dieu.
Peut-on tenir de là qu’il n’y a pas de scandale alors
qu’il vient du plus haut de ladite Fraternité ? et que la réprobation de
ses confrères est, pour le moment, toujours scandaleusement inexistante alors
que le plus autorisé d’entre eux vient de parler ?